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Les parchemins numériques de Richard Mesplède

Les parchemins numériques de Richard Mesplède

Actualité littéraire de Richard Mesplède


NaNoWriMo 2016 : 12ème jour

Publié par Richard Mesplède sur 12 Novembre 2016, 18:14pm

Catégories : #NaNoWriMo

Très légère session d'écriture aujourd'hui, je tâcherai de faire mieux demain... Mais je ne veux pas vous laisser sans lecture ce soir...

Je vous l'ai promis hier, la voici! La suite de la Reine de Cydonia.

En attendant vos commentaires, je vous souhaite une bonne lecture.

 

 

 

La Reine de Cydonia

3. Des poupées et des fleurs

 

 

            Quelques jours plus tard, Gerda était persuadée que Kay était mort.

            Son fiancé avait disparu juste après lui avoir montré les étranges lunettes qu'il avait fabriquées. Selon les journaux, il n'était jamais arrivé à l'académie. Des passants avaient été témoins de son accident : un carrosse l'avait renversé. D'autres dépositions farfelues prétendaient qu'il était monté dans le véhicule, lequel s'était envolé. Il était difficile pour la jeune femme de croire en de telles balivernes. Les journalistes étaient prêts à raconter n'importe quoi pour remplir leurs feuilles de choux. C'était scandaleux.

            Une cérémonie eut lieu à l'église. Etant donné qu'on n’avait pas retrouvé le corps de Kay, aucun enterrement ne lui permettrait de réellement faire son deuil aussi assista-t-elle à la cérémonie, pleurant sur son sort sans trouver le moindre réconfort.

            Sa boutique resta fermée pendant une semaine.

            Elle habitait juste au-dessus du magasin, et même si elle ne souhaitait pas rencontrer de clients, ni qui que ce soit, pendant la période de deuil qu'elle s'était fixée, il fallait bien s'occuper des fleurs, des plantes, et de ses automates.

            Parmi ceux-ci, elle avait créé une poupée qui prédisait l'avenir. Bien entendu, tout était mécanique et l'automate n'était pas réellement capable de dire ce qui allait arriver. Il suffisait de remonter une petite clé dissimulée sous sa robe pour que la poupée se mette à réciter l'un des nombreux messages qu'elle avait elle-même enregistrés sur plusieurs petits cylindres couverts de papier paraffiné intégrés au corps du jouet. Ainsi, la poupée récitait parfois :

            « Vous rencontrerez le véritable amour ».

            Ou bien :

            « Votre peine disparaîtra pour laisser la place à la joie ».

            Ou encore :

            « Vous ne retrouverez jamais ce que vous cherchez, tant que vous le chercherez ».

            Et ainsi de suite.

            Mais, alors qu'elle brossait les cheveux de l'automate et dépoussiérait sa belle robe tout en pleurant la mort de Kay, Gerda actionna par mégarde la clef et la poupée se mit à parler.

            Quelle ne fut pas sa surprise d'entendre à ce moment-là un enregistrement qu'elle n'avait jamais fait ! L'automate semblait doué de vie :

            « Je ne crois pas qu'il soit mort. »

            Gerda crut qu'elle était en train de rêver. Dans le doute, elle se pinça la joue, et comme elle ne se réveillait pas, décida de tourner encore une fois la clef :

            « Je ne crois pas qu'il soit mort », répéta la poupée d'une voix métallique.

            C'était à n'y rien comprendre. Gerda eut soudain un peu peur de l'automate, le rangea et n'y toucha plus. Elle se réfugia dans l'entretien de ses plantes pour le reste de la journée.

            Après avoir arrosé les fleurs, changé quelques plantes de pots et bouturé un abricotier, elle se sentait toujours troublée par ce que lui avait dit la poupée. S'occuper des végétaux ne parvenait pas à lui changer les idées. Il n'y avait qu'une seule activité qui pourrait capter toute son attention et écarterait définitivement ses noires pensées : la mécanique florale.

            C'était, de loin, sa spécialité. Elle s'était fait une véritable réputation à travers tout le pays en confectionnant des fleurs métalliques. Répliques à l'identique de roses, de lys ou d'orchidées, ces réalisations relevaient du talent d'un orfèvre. Les dames du Grand Monde et leurs riches prétendants traversaient parfois tous les Etats-Unis pour lui acheter l'une de ces merveilles. Car non seulement ces fleurs de métal ne fanaient jamais ni ne demandaient aucun entretien, mais elles étaient également articulées et mobiles. Grâce à de complexes mécanismes d'horloges miniatures, elles réagissaient à la lumière, à la voix ou aux variations de température et s'animaient. Les roses ouvraient leurs pétales le jour et les fermaient la nuit. Les coquelicots de Californie émettaient une douce musique et les tournesols se tournaient systématiquement vers la personne la plus proche.

            Or, tandis qu'elle commençait à se plonger dans la concentration profonde que requérrait la sculpture de nouveaux pétales de roses, oubliant ses tracas, toutes les fleurs de son atelier se mirent en marche simultanément.

            — Que se passe-t-il ? cria-t-elle aussitôt, effrayée.

            — N'aie crainte, Gerda. La voix douce provenait d'un bouquet de roses en cuivre.

            — Mais vous n'êtes pas censées parler ! Vous êtes des fleurs !

            — Nous ne pouvons pas nous taire plus longtemps. Tu as besoin de nous. Tu es triste.

            — Comment est-ce possible ? Suis-je en train de devenir folle ?

            — Tu n'es pas folle. Nous te parlons parce que tu as besoin d'écouter ce que nous avons à dire au sujet de Kay.

            — Savez-vous où il est ? s'inquiéta Gerda. S'il n'est pas mort, comme le prétend la poupée, alors il a disparu !

            — Il n'est pas mort, répondirent les roses. Il n'est pas mort.

            — Je veux bien vous croire, dit Gerda, les larmes aux yeux. Comment puis-je le retrouver ? S'il vous plaît, dites-le moi !

            — Mais si tu pars à sa recherche, qui s'occupera de nous ici ?

            — Je ne vous abandonnerai pas ! Je reviendrai !

            — Ton voyage sera long ! rétorquèrent les fleurs. Nous allons nous sentir bien seules ici !

            — Je vous laisserai mes automates. Ainsi vous pourrez converser comme vous l'entendez, sans que personne ne vous dérange.

            Gerda avait du mal à croire qu'elle prononçait ces mots. Des fleurs artificielles qui parlent, ça n'existe pas !

            — C'est d'accord ! S'exclamèrent les roses. Kay a été enlevé par une dame, qui l'a emmené chez elle.

            — Où habite-t-elle ? Je vous en supplie, dites-le moi !

            — Elle vit dans sa maison. Comme toi.

            — Donnez-moi au moins l'adresse, où le nom de la ville dans laquelle elle habite.

            — Elle n'habite pas dans une ville et n'a pas d'adresse.

            — Cela ne veut rien dire ! Vous racontez n'importe quoi ! S'emporta Gerda, à présent très en colère après les fleurs. Je crois que vous êtes défectueuses. Je devrais vous détruire !

            — Non ! Par pitié, nous t'en supplions, ne fais pas ça ! La voix des roses transpirait la peur.

            — Alors dites-moi ce que vous savez ! Cria Gerda qui s'était déjà emparée d'un maillet et se dirigeait vers les roses d'un pas décidé.

            — Kay est prisonnier chez la Dame de la Lune ! Sur la Lune, à Cydonia, dans la Mer du Froid ! S'écrièrent les fleurs toutes ensemble.

            Et ainsi, Gerda apprit que son fiancé était encore en vie et qu'un long voyage l'attendait pour le ramener à elle.

 

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